24 ans… Il aura fallu 24 ans pour que l’on mette le doigt sur ce qui ne va pas… Un sacré paquet d’années tout de même…
Et pourtant, ce n’est faute d’avoir crié haut et fort que je souffrais ( et que je souffre encore ). Mais malheureusement, cela ne suffit pas avec l’endométriose. Il est bien plus simple de ne pas croire les femmes, de leur dire que tout est dans leur tête, de les faire douter d’elles. Pourquoi chercher plus loin ? Pourquoi former les médecins sur cette maladie qui touche 1 femme sur 10 ?
Le seul moyen de faire bouger les choses, de mettre en avant l’endométriose dans l’espoir que tout un chacun, un jour, puisse savoir de quoi il s’agit et éviter ainsi l’enfer de l’errance médicale à nos filles, sœurs et amies, c’est d’en parler le plus possible.
C’est pourquoi j’ai envie de témoigner. Même si je n’en suis qu’au début de mon traitement. J’ai déjà un long parcours derrière moi…
Mes premières règles ont débarqué en pleines vacances d’été, alors que j’étais chez mon père. Je m’en souviens très bien, même si à l’époque je n’avais que 11 ans. Je savais ce qu’il se passait, mais je n’étais pourtant pas bien fière en allant prévenir ma belle mère que je venais de flinguer les draps de mon lit.
Mes cycles étant de suite totalement imprévisibles, avec des périodes de saignements longues et de plus en plus rapprochées, ainsi que de l’acné qui commençait à bien s’installer, on m’a immédiatement mise sous pilule. Ouais… 11 ans et déjà sous pilule… Mlle Microval venait d’entrer dans ma vie, pour y rester un bon bout de temps.
Pourtant, malgré ça, j’ai très vite compris que les règles n’allaient pas être une partie de plaisir pour moi. Combien de fois ai-je fini à l’infirmerie du collège, pliée en deux de douleur, espérant que tampons et serviettes tiendraient le coup. J’en ai passé des journées à me gaver de Spasfon, recroquevillée en position fœtale sur mon lit, sans oser bouger d’un millimètre pour que la douleur ne se propage pas.
Et comme si ça ne suffisait pas, de big migraines venaient m’achever, au point de m’envoyer chez un neurologue, qui après un scanner correct, m’a collé durant une dizaine d’années sous traitement de fond.
Au milieu de tout ça, alors que j’étais en 3ème, j’ai dû me rendre régulièrement chez un kiné suite à des crises de sciatique. On sait désormais que c’est l’un des symptômes de l’endométriose. Je me souviens de la gêne que je ressentais à devoir me retrouver sans pantalon devant cet homme, pour qu’il puisse me placer des électrodes sur les fesses et jambes… Pas évident lorsque l’on est tout juste ado… C’est aussi la période où j’étais sans cesse fatiguée, sans pourtant parvenir à fermer l’œil la nuit ( encore un des fameux symptômes ), ce qui me conduira à m’inscrire au CNED en seconde.
Microval ne faisant pas vraiment de miracle, j’ai eu de nouvelles compagnes de galère : Jasmine et Leeloo.
À 19 ans, j’ai eu mon premier gremlin. Sachant que ma mère avait eu beaucoup de mal à m’avoir, je voulais avoir des enfants jeunes, ce que je fis, puisqu’à 25 ans, je donnais naissance à mon 3ème. Je me dis aujourd’hui que j’ai bien fait de réagir comme ça, car qui sait si désormais j’aurais autant de facilité à tomber enceinte, sachant que l’endométriose peut compliquer grandement les choses.
Mes 3 grossesses ont été très compliquées, avec pour chacune un placenta praevia. J’ai passé énormément de temps aux urgences car je perdais du sang. Je n’en pouvais plus de devoir écarter les pattes devant tous ces internes et de me faire triturer à tout bout de champ. Sans parler de l’accouchement pour mon plus grand, qui me laissera toujours un bon traumatisme gravé en moi suite à la négligence du personnel de la maternité… J’ai un trou de plusieurs heures pour cette journée, car à peine mon fils fut posé sur moi, que je tombais dans les pommes.
En 2015, voulant perdre du poids et me muscler, j’ai fini par tomber dans l’anorexie et l’orthorexie. En seulement 6 mois, 26 kilos s’étaient envolés, me faisant descendre au niveau de l’imc dans la catégorie » famine ».
Du coup, toute une batterie de pathos était venue se glisser en moi : aménorrhée, insomnie, dépression, incapacité à me concentrer, irritabilité, bradycardie, gamma GT très élevées sans qu’on ne sache pourquoi, fortes douleurs aux genoux m’empêchant de marcher ( il me faudra plusieurs mois de kiné pour calmer ce souci)…
À partir de 2018, malgré l’absence de règles, je me suis rendue compte que toujours aux mêmes périodes, différents symptômes s’imposent à moi. Tout d’abord, durant une semaine, j’ai de la fièvre ( moi qui n’en fais jamais), des nausées, des maux de gorge et des douleurs dans le bas du ventre, ainsi qu’une forte constipation et un ventre énorme . Environ 15 jours après, je me réveille trempée plusieurs fois par nuits et je subis de fortes diarrhées et des RGO. Mon ventre est encore plus gonflé, dur comme du bois, douloureux, au point de ne pas pouvoir me plier pour mettre mes chaussures et de ne pas supporter le moindre vêtement qui passe dessus. Hors de question de mettre un jean, je dois passer ma vie en legging même en hiver.
J’en parle à mon endocrino / nutritionniste à chaque fois que je le vois, mais ça ne l’inquiète pas. D’après lui, étant maigre suite à l’anorexie, dès que j’avale quoique ce soit, même de l’eau, mon ventre réagit. Il me compare aux enfants des pays en sous-développement.
À force de rabâcher tout ça à mon généraliste, il me conseille de voir un gastro. Je vais en voir 2, l’un fin diplomate me fera retomber de plus belle dans l’anorexie alors que j’avais fait de gros progrès, l’autre m’expliquant que je souffre à la fois de la maladie de Gilbert ( en effet je suis souvent très jaune et mon taux de bilirubine crève les scores ) et du syndrome de l’intestin irritable. Consultation qui se finira avec une liste de 3 pages d’aliments que je ne dois plus manger.
Durant plus d’un an, je vais suivre au mieux cette liste d’aliments proscrits, moi qui ne mange déjà pas grand chose. Rien que l’idée d’avaler une pomme me fait alors frémir. Tout ça pour rien, car mon ventre refuse de dégonfler et les douleurs sont de plus en plus présentes.
En été 2020, alors que je suis en vacances avec mes Gremlins dans la petite ferme de Haute Loire que nous adorons, je commence à avoir des douleurs bien plus fortes que les précédentes. Je sers les dents, tente de tenir le coup, sachant que mon mari est sur Marseille pour sa formation, et que je dois gérer les enfants. J’arrive à mettre en place un barbecue, je prépare le repas pliée en 2, et je m’installe à table avec les nains. Sauf que je ne peux rien avaler car j’ai de grosses nausées. Je dois passer le reste de la journée allongée sur mon lit, les larmes aux yeux, à espérer que le doliprane que je viens de prendre fasse vite effet.
Malheureusement, rien n’y fait. Je pleure et hurle de douleur, avec la sensation d’avoir des contractions comme si j’allais accoucher. Les enfants commencent à paniquer, surtout que nous sommes loin de tout, sans voisins, perdus dans la campagne.
En début de soirée, je ne tiens plus allongée, mais pas non plus assise ou même debout. Je sens que je suis sur le point de vomir et descends à toutes jambes les escaliers pour courir dans la salle de bain. Je me vide du peu que j’avais dans l’estomac et décide de prendre une douche brûlante pour tenter d’apaiser les douleurs.
Je suis vite obligée de sortir de la douche car je fais plusieurs malaises, au point que mon grand me retrouvera sur le sol de la cuisine, dont je suis incapable de me relever.
Sous le choc, apeuré par mes gémissements et mon état, il appelle le samu qui envoie un médecin de garde. Celui-ci va m’injecter du Nefopam, un antalgique utilisé à l’hôpital, et trouver une masse sur la droite de mon ventre. Il me conseille d’aller dès le lendemain faire une échographie.
Entre-temps, mon fils a téléphoné à son père, qui décide de venir depuis Marseille.
Le jour suivant, l’échographie va révéler une lame d’épanchement péritonéale en flan droit et au pelvis. On m’envoie aux urgences faire dans la foulée un scanner qui confirme ce diagnostic, sans pour autant faire quoique ce soit pour la douleur ni mon ventre si gonflé. On me prescrit du Movicol pour 6 mois, estimant que je suis juste constipée. Du coup, Vincent décide qu’il va retourner sur Marseille, pensant que ça va passer. Je suis dévastée et le supplie de rester, sachant que 2 jours après il sera en vacances. J’ai l’impression qu’il ne me croit pas lorsque je lui explique ma souffrance. Il faut dire qu’elle est minimisée par mes médecins depuis longtemps et qu’elle vient d’être totalement balayée par les internes des urgences. À contre cœur, il reste.
Heureusement, car le soir même, je me retrouve dans un état pire que la veille et je finis par être emmenée aux urgences par les pompiers.
J’ai peur, j’ai extrêmement mal, je ne peux même pas me lever ( ce qui va les obliger à me porter pour me mettre sur un brancard ), je claque des dents car je suis en hypothermie, j’ai le crâne prêt à exploser et des nausées qui ne me lâchent pas. Et par dessus tout, je m’inquiète pour les enfants qui se retrouvent seuls dans la ferme car les pompiers ont demandé à Vincent de nous rejoindre à l’hôpital.
Je reste des heures en simple blouse d’hôpital sur le brancard, grelottant ( les nuits sont froides là-bas même en été), seule car Vince n’a pas le droit d’entrer dans l’hôpital suite au Covid, à implorer qu’on me donne quelque chose pour stopper la douleur.
Rien pour la douleur… Par contre, j’ai le droit à un lavement, qui laissera pour toujours un énorme sentiment de honte en moi. Car oui, on me le répète, mon état je ne le dois qu’à moi-même. Je n’ai qu’à arrêter d’être anorexique ( c’est clairement ce que l’interne ma dit plusieurs fois) pour ne plus finir constipée.
Je sors de là en larmes, humiliée, ravagée…
Les mois passent et je continue à expliquer à mes médecins que malgré l’absence de règles, je sens bien que mes symptômes ( qui s’aggravent) sont liés à mes cycles disparus.
Les douleurs augmentent en intensité et sont plus fréquentes. À cela s’ajoute des brûlures en urinant et de nouvelles crises de sciatique.
En octobre, le jour de l’anniversaire de mon plus jeune, je suis à peine capable de tenir sur mes jambes. Mais je me refuse à lui gâcher sa journée et demande juste à mon généraliste de me faire une injection de Nefopam pour tenir le coup. Il décide de m’en prescrire pour que je puisse en avoir en stock. Normalement c’est en injection, mais je peux avaler le contenu des fioles. Ça fera l’affaire d’après lui.
Le lendemain, Vincent téléphone au samu où une femme lui dit que ces douleurs sont tout simplement dû à mes règles qui vont revenir… Sortant de la bouche d’une toubib, mon mari y croit et me ressort exactement les mêmes paroles (ce qui me blesse bien entendu et me fait me sentir très seule face à ma situation )… Sauf que non, il n’est pas normal d’avoir autant mal à cause des règles… Quelques heures après, me voici une nouvelle fois transportée aux urgences par une ambulance. Encore une fois, même verdict alors que je suis sous Movicol depuis août…
Je vis comme ça durant des mois… À me gaver de Nefopam, qui pour éviter une dépendance et commençant à faire de moins en moins effet, devra être pris en alternance avec du Ketoprofene. Je passe mes journées et mes nuits avec des bouillottes brûlantes sur le ventre et le bas du dos (elles sont tellement chaudes que j’ai désormais de belles brûlures). Je suis incapable de prévoir quoique ce soit à l’avance, car je peux aller très bien et la minute d’après me tordre de douleur dans un coin. Je jongle entre période de constipation et semaines où je pourrais camper dans les WC… J’ai eu beau reprendre un peu de poids et stabiliser mon imc à la limite du minimum qu’il me faut pour être dans la catégorie » normale », ainsi que stopper le sport et manger à nouveau certains aliments, mon ventre n’a pas décidé de se calmer.
Il est même arrivé qu’on veuille me laisser passer en caisse en croyant que j’étais enceinte… Pas évident à gérer mentalement lorsque l’on souffre d’anorexie. Un ventre de femme enceinte quand on fait une fixette sur son poids, ça pousse à se restreindre encore plus. Donc je dois lutter pour ne pas replonger.
Début 2021, je tente le tout pour le tout et contacte l’association EndoFrance. Suite à mes symptômes, on me conseille de consulter certains médecins spécialisés dans l’endométriose sur Marseille. Je prends alors un rdv en visio avec une gynéco du Centre Endométriose Marseille.
Après écoute de mes symptômes ( dont la douleur durant les rapports sexuels), elle me prescrit une IRM à faire à la clinique Bouchard.
Celle-ci faite, j’ai à nouveau rendez-vous avec cette charmante gynéco, mais ce coup ci directement à son cabinet.
C’était il y a 11 jours…
IRM sous les yeux, quelques questions, puis une écho faite avec énormément de douceur et de bienveillance, et me voici enfin avec un réel diagnostic : adénomyose et endométriose.
Je suis ressortie de cette consultation en larmes. Des larmes de joie, de délivrance… Un poids venait d’être retiré de mes épaules ! Je n’étais et je ne suis pas folle ! J’avais raison de penser que quelque chose n’allait pas avec mon utérus. Que ces symptômes arrivaient bien à des périodes précises chaque mois ( d’ailleurs mes règles étant revenues depuis quelques mois, ça c’était facilement confirmé).
Il aura fallu de nombreuses années, beaucoup de douleur, énormément d’incompréhension de mon entourage, de l’humiliation et surtout une perte de confiance de ma part pour le corps médical, mais ça y est ! Un nom a été mis sur ma souffrance.
Alors même si cette petite victoire n’est que le début d’un nouveau parcours du combattant, dans lequel je vais devoir subir les effets secondaires d’un traitement pour être en pré ménopause, je souris de pouvoir enfin dire » non, ce n’est pas dans ma tête !« . D’ailleurs je trouve cela aussi « amusant » de devoir prendre cette pilule devant stopper mes règles, quand on sait que le but de tous mes médecins jusque là était de les faire revenir 😅
Je pense de temps en temps faire le point sur mon avancée face à l’endo et l’adénomyose, ici, sur ce blog. Car malheureusement ces maladies invalidantes et peu glamours, sont très méconnues.
Il faut en parler ! Il faut que chaque futur médecin les étudie et sache les dépister !
En attendant, je remercie mille fois les bénévoles de EndoFrance qui m’ont aiguillé vers des docteurs qualifiés. Je viens d’ailleurs de devenir adhérente, pour soutenir cette association et m’informer au maximum ( pour faire de même c’est ici).
Prochaine étape : ostéopathe et naturopathe…
Au passage, je recommande grandement la lecture du livre En coloc avec l’endométriose de Fanny Robin ( clique ici )! En le lisant, on se sent moins seule et on finit même par sourire …