Endométriose & adénomyose : des noms étranges pour tant de souffrance

Endométriose & adénomyose : des noms étranges pour tant de souffrance

24 ans… Il aura fallu 24 ans pour que l’on mette le doigt sur ce qui ne va pas… Un sacré paquet d’années tout de même…

Et pourtant, ce n’est faute d’avoir crié haut et fort que je souffrais ( et que je souffre encore ). Mais malheureusement, cela ne suffit pas avec l’endométriose. Il est bien plus simple de ne pas croire les femmes, de leur dire que tout est dans leur tête, de les faire douter d’elles. Pourquoi chercher plus loin ? Pourquoi former les médecins sur cette maladie qui touche 1 femme sur 10 ?

Le seul moyen de faire bouger les choses, de mettre en avant l’endométriose dans l’espoir que tout un chacun, un jour, puisse savoir de quoi il s’agit et éviter ainsi l’enfer de l’errance médicale à nos filles, sœurs et amies, c’est d’en parler le plus possible.

C’est pourquoi j’ai envie de témoigner. Même si je n’en suis qu’au début de mon traitement. J’ai déjà un long parcours derrière moi…

Mes premières règles ont débarqué en pleines vacances d’été, alors que j’étais chez mon père. Je m’en souviens très bien, même si à l’époque je n’avais que 11 ans. Je savais ce qu’il se passait, mais je n’étais pourtant pas bien fière en allant prévenir ma belle mère que je venais de flinguer les draps de mon lit.

Mes cycles étant de suite totalement imprévisibles, avec des périodes de saignements longues et de plus en plus rapprochées, ainsi que de l’acné qui commençait à bien s’installer, on m’a immédiatement mise sous pilule. Ouais… 11 ans et déjà sous pilule… Mlle Microval venait d’entrer dans ma vie, pour y rester un bon bout de temps.

Pourtant, malgré ça, j’ai très vite compris que les règles n’allaient pas être une partie de plaisir pour moi. Combien de fois ai-je fini à l’infirmerie du collège, pliée en deux de douleur, espérant que tampons et serviettes tiendraient le coup. J’en ai passé des journées à me gaver de Spasfon, recroquevillée en position fœtale sur mon lit, sans oser bouger d’un millimètre pour que la douleur ne se propage pas.

Et comme si ça ne suffisait pas, de big migraines venaient m’achever, au point de m’envoyer chez un neurologue, qui après un scanner correct, m’a collé durant une dizaine d’années sous traitement de fond.

Au milieu de tout ça, alors que j’étais en 3ème, j’ai dû me rendre régulièrement chez un kiné suite à des crises de sciatique. On sait désormais que c’est l’un des symptômes de l’endométriose. Je me souviens de la gêne que je ressentais à devoir me retrouver sans pantalon devant cet homme, pour qu’il puisse me placer des électrodes sur les fesses et jambes… Pas évident lorsque l’on est tout juste ado… C’est aussi la période où j’étais sans cesse fatiguée, sans pourtant parvenir à fermer l’œil la nuit ( encore un des fameux symptômes ), ce qui me conduira à m’inscrire au CNED en seconde.

Microval ne faisant pas vraiment de miracle, j’ai eu de nouvelles compagnes de galère : Jasmine et Leeloo.

À 19 ans, j’ai eu mon premier gremlin. Sachant que ma mère avait eu beaucoup de mal à m’avoir, je voulais avoir des enfants jeunes, ce que je fis, puisqu’à 25 ans, je donnais naissance à mon 3ème. Je me dis aujourd’hui que j’ai bien fait de réagir comme ça, car qui sait si désormais j’aurais autant de facilité à tomber enceinte, sachant que l’endométriose peut compliquer grandement les choses.

Mes 3 grossesses ont été très compliquées, avec pour chacune un placenta praevia. J’ai passé énormément de temps aux urgences car je perdais du sang. Je n’en pouvais plus de devoir écarter les pattes devant tous ces internes et de me faire triturer à tout bout de champ. Sans parler de l’accouchement pour mon plus grand, qui me laissera toujours un bon traumatisme gravé en moi suite à la négligence du personnel de la maternité… J’ai un trou de plusieurs heures pour cette journée, car à peine mon fils fut posé sur moi, que je tombais dans les pommes.

En 2015, voulant perdre du poids et me muscler, j’ai fini par tomber dans l’anorexie et l’orthorexie. En seulement 6 mois, 26 kilos s’étaient envolés, me faisant descendre au niveau de l’imc dans la catégorie  » famine ».

Du coup, toute une batterie de pathos était venue se glisser en moi : aménorrhée, insomnie, dépression, incapacité à me concentrer, irritabilité, bradycardie, gamma GT très élevées sans qu’on ne sache pourquoi, fortes douleurs aux genoux m’empêchant de marcher ( il me faudra plusieurs mois de kiné pour calmer ce souci)…

À partir de 2018, malgré l’absence de règles, je me suis rendue compte que toujours aux mêmes périodes, différents symptômes s’imposent à moi. Tout d’abord, durant une semaine, j’ai de la fièvre ( moi qui n’en fais jamais), des nausées, des maux de gorge et des douleurs dans le bas du ventre, ainsi qu’une forte constipation et un ventre énorme . Environ 15 jours après, je me réveille trempée plusieurs fois par nuits et je subis de fortes diarrhées et des RGO. Mon ventre est encore plus gonflé, dur comme du bois, douloureux, au point de ne pas pouvoir me plier pour mettre mes chaussures et de ne pas supporter le moindre vêtement qui passe dessus. Hors de question de mettre un jean, je dois passer ma vie en legging même en hiver.

J’en parle à mon endocrino / nutritionniste à chaque fois que je le vois, mais ça ne l’inquiète pas. D’après lui, étant maigre suite à l’anorexie, dès que j’avale quoique ce soit, même de l’eau, mon ventre réagit. Il me compare aux enfants des pays en sous-développement.

À force de rabâcher tout ça à mon généraliste, il me conseille de voir un gastro. Je vais en voir 2, l’un fin diplomate me fera retomber de plus belle dans l’anorexie alors que j’avais fait de gros progrès, l’autre m’expliquant que je souffre à la fois de la maladie de Gilbert ( en effet je suis souvent très jaune et mon taux de bilirubine crève les scores ) et du syndrome de l’intestin irritable. Consultation qui se finira avec une liste de 3 pages d’aliments que je ne dois plus manger.

Durant plus d’un an, je vais suivre au mieux cette liste d’aliments proscrits, moi qui ne mange déjà pas grand chose. Rien que l’idée d’avaler une pomme me fait alors frémir. Tout ça pour rien, car mon ventre refuse de dégonfler et les douleurs sont de plus en plus présentes.

En été 2020, alors que je suis en vacances avec mes Gremlins dans la petite ferme de Haute Loire que nous adorons, je commence à avoir des douleurs bien plus fortes que les précédentes. Je sers les dents, tente de tenir le coup, sachant que mon mari est sur Marseille pour sa formation, et que je dois gérer les enfants. J’arrive à mettre en place un barbecue, je prépare le repas pliée en 2, et je m’installe à table avec les nains. Sauf que je ne peux rien avaler car j’ai de grosses nausées. Je dois passer le reste de la journée allongée sur mon lit, les larmes aux yeux, à espérer que le doliprane que je viens de prendre fasse vite effet.

Malheureusement, rien n’y fait. Je pleure et hurle de douleur, avec la sensation d’avoir des contractions comme si j’allais accoucher. Les enfants commencent à paniquer, surtout que nous sommes loin de tout, sans voisins, perdus dans la campagne.

En début de soirée, je ne tiens plus allongée, mais pas non plus assise ou même debout. Je sens que je suis sur le point de vomir et descends à toutes jambes les escaliers pour courir dans la salle de bain. Je me vide du peu que j’avais dans l’estomac et décide de prendre une douche brûlante pour tenter d’apaiser les douleurs.

Je suis vite obligée de sortir de la douche car je fais plusieurs malaises, au point que mon grand me retrouvera sur le sol de la cuisine, dont je suis incapable de me relever.

Sous le choc, apeuré par mes gémissements et mon état, il appelle le samu qui envoie un médecin de garde. Celui-ci va m’injecter du Nefopam, un antalgique utilisé à l’hôpital, et trouver une masse sur la droite de mon ventre. Il me conseille d’aller dès le lendemain faire une échographie.

Entre-temps, mon fils a téléphoné à son père, qui décide de venir depuis Marseille.

Le jour suivant, l’échographie va révéler une lame d’épanchement péritonéale en flan droit et au pelvis. On m’envoie aux urgences faire dans la foulée un scanner qui confirme ce diagnostic, sans pour autant faire quoique ce soit pour la douleur ni mon ventre si gonflé. On me prescrit du Movicol pour 6 mois, estimant que je suis juste constipée. Du coup, Vincent décide qu’il va retourner sur Marseille, pensant que ça va passer. Je suis dévastée et le supplie de rester, sachant que 2 jours après il sera en vacances. J’ai l’impression qu’il ne me croit pas lorsque je lui explique ma souffrance. Il faut dire qu’elle est minimisée par mes médecins depuis longtemps et qu’elle vient d’être totalement balayée par les internes des urgences. À contre cœur, il reste.

Heureusement, car le soir même, je me retrouve dans un état pire que la veille et je finis par être emmenée aux urgences par les pompiers.

J’ai peur, j’ai extrêmement mal, je ne peux même pas me lever ( ce qui va les obliger à me porter pour me mettre sur un brancard ), je claque des dents car je suis en hypothermie, j’ai le crâne prêt à exploser et des nausées qui ne me lâchent pas. Et par dessus tout, je m’inquiète pour les enfants qui se retrouvent seuls dans la ferme car les pompiers ont demandé à Vincent de nous rejoindre à l’hôpital.

Je reste des heures en simple blouse d’hôpital sur le brancard, grelottant ( les nuits sont froides là-bas même en été), seule car Vince n’a pas le droit d’entrer dans l’hôpital suite au Covid, à implorer qu’on me donne quelque chose pour stopper la douleur.

Rien pour la douleur… Par contre, j’ai le droit à un lavement, qui laissera pour toujours un énorme sentiment de honte en moi. Car oui, on me le répète, mon état je ne le dois qu’à moi-même. Je n’ai qu’à arrêter d’être anorexique ( c’est clairement ce que l’interne ma dit plusieurs fois) pour ne plus finir constipée.

Je sors de là en larmes, humiliée, ravagée…

Les mois passent et je continue à expliquer à mes médecins que malgré l’absence de règles, je sens bien que mes symptômes ( qui s’aggravent) sont liés à mes cycles disparus.

Les douleurs augmentent en intensité et sont plus fréquentes. À cela s’ajoute des brûlures en urinant et de nouvelles crises de sciatique.

En octobre, le jour de l’anniversaire de mon plus jeune, je suis à peine capable de tenir sur mes jambes. Mais je me refuse à lui gâcher sa journée et demande juste à mon généraliste de me faire une injection de Nefopam pour tenir le coup. Il décide de m’en prescrire pour que je puisse en avoir en stock. Normalement c’est en injection, mais je peux avaler le contenu des fioles. Ça fera l’affaire d’après lui.

Le lendemain, Vincent téléphone au samu où une femme lui dit que ces douleurs sont tout simplement dû à mes règles qui vont revenir… Sortant de la bouche d’une toubib, mon mari y croit et me ressort exactement les mêmes paroles (ce qui me blesse bien entendu et me fait me sentir très seule face à ma situation )… Sauf que non, il n’est pas normal d’avoir autant mal à cause des règles… Quelques heures après, me voici une nouvelle fois transportée aux urgences par une ambulance. Encore une fois, même verdict alors que je suis sous Movicol depuis août…

Je vis comme ça durant des mois… À me gaver de Nefopam, qui pour éviter une dépendance et commençant à faire de moins en moins effet, devra être pris en alternance avec du Ketoprofene. Je passe mes journées et mes nuits avec des bouillottes brûlantes sur le ventre et le bas du dos (elles sont tellement chaudes que j’ai désormais de belles brûlures). Je suis incapable de prévoir quoique ce soit à l’avance, car je peux aller très bien et la minute d’après me tordre de douleur dans un coin. Je jongle entre période de constipation et semaines où je pourrais camper dans les WC… J’ai eu beau reprendre un peu de poids et stabiliser mon imc à la limite du minimum qu’il me faut pour être dans la catégorie  » normale », ainsi que stopper le sport et manger à nouveau certains aliments, mon ventre n’a pas décidé de se calmer.

Il est même arrivé qu’on veuille me laisser passer en caisse en croyant que j’étais enceinte… Pas évident à gérer mentalement lorsque l’on souffre d’anorexie. Un ventre de femme enceinte quand on fait une fixette sur son poids, ça pousse à se restreindre encore plus. Donc je dois lutter pour ne pas replonger.

Début 2021, je tente le tout pour le tout et contacte l’association EndoFrance. Suite à mes symptômes, on me conseille de consulter certains médecins spécialisés dans l’endométriose sur Marseille. Je prends alors un rdv en visio avec une gynéco du Centre Endométriose Marseille.

Après écoute de mes symptômes ( dont la douleur durant les rapports sexuels), elle me prescrit une IRM à faire à la clinique Bouchard.

Celle-ci faite, j’ai à nouveau rendez-vous avec cette charmante gynéco, mais ce coup ci directement à son cabinet.

C’était il y a 11 jours…

IRM sous les yeux, quelques questions, puis une écho faite avec énormément de douceur et de bienveillance, et me voici enfin avec un réel diagnostic : adénomyose et endométriose.

Je suis ressortie de cette consultation en larmes. Des larmes de joie, de délivrance… Un poids venait d’être retiré de mes épaules ! Je n’étais et je ne suis pas folle ! J’avais raison de penser que quelque chose n’allait pas avec mon utérus. Que ces symptômes arrivaient bien à des périodes précises chaque mois ( d’ailleurs mes règles étant revenues depuis quelques mois, ça c’était facilement confirmé).

Il aura fallu de nombreuses années, beaucoup de douleur, énormément d’incompréhension de mon entourage, de l’humiliation et surtout une perte de confiance de ma part pour le corps médical, mais ça y est ! Un nom a été mis sur ma souffrance.

Alors même si cette petite victoire n’est que le début d’un nouveau parcours du combattant, dans lequel je vais devoir subir les effets secondaires d’un traitement pour être en pré ménopause, je souris de pouvoir enfin dire  » non, ce n’est pas dans ma tête !« . D’ailleurs je trouve cela aussi «  amusant  » de devoir prendre cette pilule devant stopper mes règles, quand on sait que le but de tous mes médecins jusque là était de les faire revenir 😅

Je pense de temps en temps faire le point sur mon avancée face à l’endo et l’adénomyose, ici, sur ce blog. Car malheureusement ces maladies invalidantes et peu glamours, sont très méconnues.

Il faut en parler ! Il faut que chaque futur médecin les étudie et sache les dépister !

En attendant, je remercie mille fois les bénévoles de EndoFrance qui m’ont aiguillé vers des docteurs qualifiés. Je viens d’ailleurs de devenir adhérente, pour soutenir cette association et m’informer au maximum ( pour faire de même c’est ici).

Prochaine étape : ostéopathe et naturopathe…

Endométriose & adénomyose : des noms étranges pour tant de souffrance

Au passage, je recommande grandement la lecture du livre En coloc avec l’endométriose de Fanny Robin ( clique ici )! En le lisant, on se sent moins seule et on finit même par sourire …

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon

Une victoire ! Et quelle victoire ! Celle que je ne pensais pas être capable d’obtenir. Celle dont j’avais plus que besoin en ce moment. Celle qui m’a apporté un beau rayon de soleil dans l’obscurité qui m’entoure à nouveau depuis quelques temps.


Te souviens tu, ami lecteur, de cet instant où j’ai pris conscience de ma maladie ? De cette anorexie et de sa copine l’orthorexie, qui me suivaient à la trace. Ça remonte déjà à plusieurs années. Et pourtant ça reste gravé dans ma tête.


Il m’aura fallu 2 éléments déclencheurs pour que je réalise l’état dans lequel j’étais. Sortir de la douche et apercevoir ma colonne vertébrale bien trop voyante dans le miroir ( ma colonne de dinosaure comme je la surnommais) et être en pleine panique dans une boulangerie.


Ma colonne est désormais un complexe pour moi, que je cache et qui m’empêche d’accepter l’idée de me mettre en maillot de bain à la plage, alors que je vis en bord de mer. Mais ayant repris un peu de poids depuis ce moment devant le miroir, ça devrait finir par aller mieux. 


Par contre, je dois avouer que l’état dans lequel une simple boulangerie / pâtisserie peut me mettre, est un véritable calvaire.
Entrer dans une de ces enseignes n’est franchement pas évident. Moi qui ai toujours adoré le pain et pouvais avaler une baguette entière lorsqu’elle était encore toute chaude à la sortie du four, j’ai eu une période très difficile où rien qu’en y pensant je finissais en sueur, les poils dressés sur les bras version chaire de poule.


Je me souviens de cette journée, il y a environ trois ans, lorsque je m’étais laissée convaincre de partager un petit-déjeuner basique avec la tribu. Paralysée par la peur de ces aliments «  interdits« , j’étais incapable de choisir ce qui pouvais me faire envie et je n’arrivais même pas à articuler deux mots pour demander quoique ce soit à la boulangère. J’avais fini par prendre mes jambes à mon cou et j’avais fondu en larmes de honte, de regrets et de désespoir.


Maintenant j’arrive à mettre les pieds là-bas, mais seulement pour acheter des gourmandises au reste de la famille. Jamais rien pour moi. Impossible. Je bloque face à tant de féculents, de matières grasses et de sucre. 
Je regarde avec un pincement au cœur tous ces plaisirs que je me refuse. Je me surprends à humer l’air pour  » me remplir » virtuellement de ces pains au chocolat et ces croissants. Je tente de me rappeler ces jours heureux où je croquais dans une tartelette sans me soucier de quoique ce soit. Mais je ne me prends rien. 

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


La musique m’aidant à extérioriser et à évacuer mes émotions, sans que je ne sache vraiment pourquoi, j’ai assimilé les paroles de la chanson Ma Douleur, de Christophe Maé ( cf à cet ancien article ), à cette oppression qui est en moi. À ce mal-être qui me poursuit. Quand je me sens au plus bas, elle m’aide à faire ressortir ce qui me ronge et me permet parfois de faire comprendre ce que je ressens à mes proches.


Parallèlement, d’autres de ses chansons me boostent et me mettent en joie, tout en me faisant voyager. D’ailleurs les Gremlins en connaissant beaucoup par cœur, on a pris l’habitude de les chanter à tue-tête dans la voiture. 


Alors lorsque l’année dernière, j’ai découvert dans un article de presse, que le chanteur avait un frère boulanger / pâtissier, je me suis dit que ça pourrait être un sacré pied de nez à cette foutue anorexie. Surtout qu’en fouillant un peu sur le net, j’avais pu lire de très bons avis sur ses créations. Rien que les photos me mettaient l’eau à la bouche. 

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Je me suis donc promis qu’un jour, j’irais découvrir la pâtisserie de Frédéric et Céline Martichon, et que je parviendrais à me faire plaisir. 
Il aura fallu du temps avant que je puisse mettre en place ce défi, mais ça y est, je l’ai fait ! 
C’était mon projet de ces vacances. 


Je dois tout de même avouer que ce n’est pas sans angoisse que j’ai pris la route hier matin, pour aller sur Saint Didier, où se situe la boutique ( anciennement à Carpentras ).
Je dois aussi reconnaître, que je me suis encore plus restreinte les jours précédents, de crainte sinon de flancher devant les pâtisseries. Ana est toujours tellement encrée en moi… 

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Une fois sur place, j’étais remontée au taquet. Pas de chair de poule, pas de larmes commençant à me venir aux yeux. Une pointe de peur, oui… Mais j’ai géré du mieux que j’ai pu. Dans ma tête j’entendais en continu tous ces mecs de la salle de sport qui m’avaient dépeint les chaussons aux pommes et les mille-feuilles comme des aliments toxiques. Ces fausses coachs que j’avais suivi sur instagram, et qui m’avaient mené à compter les moindres calories que j’avalais, au point qu’au final je ne mangeais pas plus de 500kcal par jour. Mais je n’ai pas lâché. J’ai tenu bon.


J’ai dû encore passer pour une extraterrestre à ne pas pouvoir me décider rapidement. Mais j’ai fini par trouver de quoi assouvir cette faim qui me tenaille sans arrêt, du matin au soir, et qui ne supporte plus de se contenter de légumes, fruits et yaourts de soja. 


Il faut dire que la gentillesse des propriétaires des lieux m’a permis de ne pas une fois de plus perdre pieds. Mme et M. Martichon ont pris du temps pour nous parler, nous conseillons même sur les coins à visiter à proximité, ce qui m’a mis à l’aise. 


La pâtisserie située dans un petit village magnifique, m’a facilement attirée. À la fois sobre et élégante, elle a un côté familial et chaleureux. D’ailleurs la petite terrasse installée juste devant n’y ait pas pour rien, et invite à ce détendre dans une ambiance paisible.
Bref… Tout ce qu’il me fallait pour rester zen et ne pas céder face à la peste en moi qui détruit ma vie.


Au départ, nous ne devions prendre du pain que pour la tribu. Mais tous ces pains à l’allure rustique et aux si jolis noms ( j’adore l’idée de leur avoir donné les prénoms des enfants de la famille) m’ont interpellée. J’ai de suite su que je ne pourrais pas me contenter une fois de plus de regarder le Chéri et mes nains se régaler, pendant que je ne mangerais qu’un peu de poireau et de courge. 


Je ne me suis pas arrêtée en si bon chemin, puisque j’ai craqué pour un escargot au chocolat, pendant que le reste de la tribu préférait des meringues aux noisettes, gâteaux à la crème de châtaigne, big palmiers ou encore fougasses. 

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Les bras chargés et le sourire aux lèvres, nous avons déniché un ptit coin sympa pour pique-niquer. Et franchement, que dire ? Si ce n’est Quel Bonheur !!! 


Le pain Pierre, au levain, était excellent, avec une croûte si croustillante ! La tresse aux olives était moelleuse et a même été appréciée de Vince, alors qu’il n’aime pas les olives. J’ai mangé des deux ! Victoire ! 

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Seconde victoire, j’ai non seulement adoré mon escargot dont les pépites de chocolat étaient toutes fondantes, mais j’ai aussi testé le croissant aux amandes du Chéri et un peu de crème de châtaigne du gâteau de ma fille. 


Si tu savais l’émotion que ça a déclenché en moi, cher lecteur … Les sensations… Je ne suis même pas capable de te décrire tout ça. 
3 ans sans m’accorder le droit d’approcher une viennoiserie… 3 ans que je suis en pleine torture dès que j’en vois…. Merci la famille Martichon pour ce grand moment de bonheur que j’ai enfin pu obtenir ! Pour mes papilles qui sont reparties en enfance à chaque bouchée de cet escargot. Pour cette gourmandise retrouvée lorsque j’ai croqué dans le croissant aux amandes, qui était généreusement garni ( non, non, je n’ai pas fait dégouliné la crème ^^ Personne n’a rien vu ^^).

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Je ne suis d’ailleurs pas la seule à m’être régalée. Toute la tribu a kiffé. À tel point qu’après avoir visité Venasque suite aux conseils du pâtissier ( c’était sublime, avec une vue magnifique) , nous sommes repassés par la boulangerie. Mlle Lolita ayant 10 ans demain, elle désirait avoir une tresse aux olives pour le grand jour. Tresse à laquelle nous avons ajouté à nouveau un pain Pierre, mais aussi 5 croissants aux amandes.

Oui 5! Car j’ai promis à ma poupée de tout faire pour réitérer ma victoire. 
Bon… Peut-être ne viendrais je pas au bout, sachant qu’il y aura aussi un gâteau d’anniversaire, mais ce n’est pas grave. Je compte bien en engloutir tout de même une bonne partie ( la culpabilité sera certainement là, comme ce fut le cas hier et encore aujourd’hui, mais ça ne m’empêchera pas de tenir ma promesse) .

Plaisir retrouvé à la Pâtisserie Martichon


Encore un immense merci aux charmants patrons de la pâtisserie Martichon, grâce à qui je me suis sentie à nouveau un peu normale durant une journée ! Grâce à qui j’ai à nouveau pu partager un instant gourmand et de pur plaisir avec mes Gremlins ! Merci ! 

Cette souffrance invisible

Avoir rencontré Ana n’était pas la meilleure chose qui me soit arrivé. Et ça ne l’est toujours pas.


Elle, qui se prétendait mon amie, cachait bien son jeu. Il faut dire que la demoiselle avait une idée derrière la tête, lorsqu’elle m’a approché. Elle savait ce qu’elle faisait, me laissant miroiter qu’elle ne voulait que mon bonheur. Qu’elle voulait m’aider pour faire disparaître cette souffrance que j’avais en moi.
Elle a vite su me piéger. Me rendre dépendante. Et m’empêcher de réfléchir par moi-même.

Mais elle ne s’est pas contentée de s’immiscer dans mon crâne. Loin de là.
Elle a préféré détruire doucement tout mon être. Petit bout par petit bout. Cheveux tombant par poignées, ongles cassants, peau sèche…
Rien de bien méchant si l’on s’arrête là.

C’est tout mon corps qu’elle avait prévu de tuer à petit feu. Et franchement, je dois reconnaître que son plan était parfait. À tel point que mon cerveau, mes jambes, mes bras et mon cœur ne veulent plus m’écouter, étant tellement fragilisés.

Le problème… Ou plutôt le coup de maître  d’Ana, c’est qu’elle a réussi à m’affaiblir sans que cela ne soit visible aux yeux du  » commun des mortels« .

Qui pourrait dire en me voyant que mes muscles sont atrophiés. Que j’ai des kystes aux genoux, qui risquent de m’imposer plusieurs opérations d’ici peu. Que j’ai déjà de l’ostéoporose. Que mon cœur bas trop lentement. Que je ne parviens plus vraiment à me concentrer. Que trouver de simples mots du quotidien pour m’exprimer est un véritable défi de tous les instants, ce qui m’oblige bien souvent à demander à la tribu de parler pour moi à d’autres personnes ( le moindre coup de téléphone ou la plus petite demande à un vendeur, est un combat pour moi désormais) . Que je fais de la fièvre un jour sur deux. Que la nuit je me réveille en eaux et totalement gelée. Que je n’arrive plus du tout à me réchauffer et que j’ai développé le syndrome de Raynaud, qui peut parfois devenir bien douloureux.

Personne…

Même certains médecins que j’ai dû consulter, ont été surpris de savoir qu’Ana cohabitait avec moi. << Vous, anorexique ? Pourtant, vous êtes bien ! >>.
Que tu crois…

Sais-tu que même si j’ai repris un peu de poids, manger est toujours compliqué pour moi. Que je me refuse toujours la plupart des aliments et plats que tu dévores sans arrêt. Que je ne mange plus et ne bois plus après 21h, même si je meurs de faim et de soif ( ce qui va me faire passer une nuit atroce, à attendre désespérément le lendemain matin, pour enfin prendre mon petit déjeuner ). Qu’il m’arrive de me cacher de ma famille pour avaler une ou deux olives, lorsque je sens que mon estomac n’en peut plus d’être vide, comme une gosse faisant une bêtise, pour ensuite culpabiliser durant des heures. Que je peux être souriante et pleine de joie, pour fondre en larmes 5 minutes après, sans véritable raison, et plonger de suite en dépression. Que les idées noires peuvent me quitter durant des mois et revenir à la charge d’un coup, me faisant penser au pire.


Non… Ça cher toubib, tu ne le vois pas. Car tu te focalises juste sur mon apparence extérieure. Comme tout le monde…


Alors oui ! Oui, je suis heureuse et soulagée d’avoir enfin reçu ce courrier. D’avoir eu cette reconnaissance de travailleuse handicapée, grâce à laquelle je vais enfin pouvoir « prouver » que je vais mal par moment. Que je n’affabule pas. Que j’ai le droit parfois d’être épuisée et de dire non.
Heureuse aussi d’avoir bientôt entre les mains une carte de priorité, qui pourra m’éviter d’être à deux doigts de m’écrouler à une caisse avec une file à rallonge, lorsque mon corps sous-alimenté ne tiendra plus. Qui me permettra de m’asseoir dans le tram à n’importe quelle place, quand mes jambes tétanisée ne répondront plus.

Dommage que mon beau projet de reconversion professionnelle ne soit pas accepté. Mais hors de question de reprendre mon boulot d’assistante maternelle un jour. Comme indiqué dans le courrier, je vais devoir attendre d’être en meilleure forme pour passer ensuite par CAP emploi.


Pour le moment, je reste avec Ana…

Mi ange Mi démon

Mi ange mi démon / AnorexieJe n’ai pas toujours été comme ça…

C’est elle qui m’a changé.

Elle s’est infiltrée en moi sans mon consentement… Devenant cette petite voix tordue qui ne me laisse pas ou peu de répit.

Grillant mes neurones les uns après les autres, à tel point que bien souvent  je ne sais plus ce que je fais. Me voici face au frigo sans savoir ce que j’y cherche. Je commence une phrase qui n’aura jamais de fin car j’ai déjà oublié ce que je voulais dire. Je n’arrive plus à me concentrer sur quoique ce soit.

M’obligeant à agir d’une façon qui ne me convient pas. À me dépenser toujours plus, même lorsque je suis à bout. À céder à des pulsions.

Car oui… C’est ça l’anorexie mentale. Un insecte vicieux qui se faufile par une oreille jusqu’à ton cerveau, pour ensuite te contraindre à obéir à des pulsions perverses et dangereuses.

Ce n’est pas par plaisir que je m’active toute la journée, jusqu’à en pleurer de douleur.

Ce n’est pas par caprice que je reste figée devant mon assiette sans pouvoir la terminer. Ou que je tremble rien qu’en  tenant certains aliments que j’aimerai réintroduire. Que je redoute de sortir manger au restaurant ou même chez des amis.

C’est à cause d’elle. De lui.

De ce démon qui me souffle des pensées stupides donnant lieu à un comportement anormal. Qui me transforme autant physiquement que mentalement.

Qui me fait dire désormais  » Je ne suis pas normale« …

Pourtant, la voix de la raison est bien là. Mon ptit ange perché sur mon épaule s’accroche. Il lutte contre Ana. Il me fait signe quand je me trompe, quand je bascule du mauvais côté.

J’arrive encore de temps en temps à faire la part des choses. Je me rends bien compte que manger 20g de pâtes ce n’est rien comparé aux grosses assiettes que je pouvais ingurgiter avant. Que si j’ai encore faim alors que le reste de la famille est calée et n’a pas besoin de se resservir, c’est tout simplement parce que nous n’avons absolument pas mangé la même chose ( une salade ne valant pas grand chose face à un tas de frites ou de riz).

Je le sais tout ça.

Mais ce démon m’abrutit en me répétant que j’ai tort. Que c’est mal. Que je n’ai pas l’autorisation de goûter à ce morceau de pain qui sent si bon. Ni même de regarder cette crème dessert qui me fait tant envie.

Et bien souvent, voir même tout le temps, mon ange gardien perd la partie contre ce démon qui ne lâche rien.

Mon poids du coup continue à diminuer comme pour devenir aussi léger qu’une plume, pour pouvoir s’envoler loin de moi… Loin de ce corps qui ne ressemble plus à grand chose… Ce corps que je cache car il me fait honte…

Il est si simple de penser qu’il me suffirait de décider de manger pour que tout rentre dans l’ordre. C’est vrai quoi… Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt… Suis-je si bête pour ne pas avoir trouvé la solution toute seule…

Allez…

Aujourd’hui c’est décidé, j’arrête mon caprice et je mange tout ce qui me tombe sous la main… Chocapics, kinders, raclette, pizza, chips, pain…. Rien de bien compliqué… Il suffit que j’avale tout ça pour aller mieux…

A moins qu’en y réfléchissant un peu plus, qu’en regardant de plus près mon démon, on ne comprenne qu’une maladie est tapie dans l’ombre. Que ce comportement qui n’a rien de normal n’est pas un petit jeu qui m’amuse, mais bien une contrainte que je subis et qui me gâche la vie, m’obligeant à me faire soigner.

Une maladie qui ne touche pas qu’à mon alimentation mais aussi à mon corps qui s’efface, à mes os qui souffrent, à mes cheveux qui tombent par poignées…

J’ai de plus en plus de cernes à force de dormir de moins en moins… J’ai des hématomes à chaque légère bousculade dans un rayon de supermarché, ou rien qu’en laissant mes genoux se coller l’un à l’autre lorsque  je serre les jambes…

Je finis en larmes rien quand regardant des prospectus de pub, bavant devant toutes ces merveilles qui me sont refusées.

Mais aussi parce que j’ai mal, si mal d’avoir autant bougé dans ma journée. Parfois, de plus en plus, il m’arrive d’être quasiment incapable de faire un pas de plus. Mes chaussures ont l’air d’être en plomb et mes chevilles ne parviennent plus à les soulever. Sans parler de mon sac à main qui d’un coup semble contenir toute une bibliothèque.

Mais hors de question de laisser tomber. Hors de question de me reposer. Ana, ce démon cruel, n’en a pas fini avec moi. Il ne me lâchera qu’une fois qu’il aura totalement gagné… Qu’il aura eu ma peau…

Du coup je tente de me battre…  De survivre…